jeudi 26 septembre 2013

Les portes - Variation 3

Dans le catalogue d'objets introuvables Jacques Carelman proposait deux portes :

 


         Et il citait Francis Ponge :

                                                    Les rois ne touchent pas aux portes.

                  Ils ne connaissent pas ce bonheur: pousser devant
                  soi avec douceur ou rudesse l'un de ces grands panneaux
                  familiers, se retourner vers lui pour le remettre en place,
                 -tenir dans ses bras une porte.

                  Le bonheur d'empoigner au ventre par son nœud
                  de porcelaine l'un de ces hauts obstacles d'une pièce;
                  ce corps à corps rapide par lequel un instant la marche
                  retenue, l’œil s'ouvre et le corps tout entier s'accom-
                 -mode à son nouvel appartement.

                  D'une main amicale il la retient encore, avant de la
                  repousser décidément et s'enclore,-ce dont le déclic
                  du ressort puissant mais bien huilé agréablement
                  l'assure.

                 Le parti pris des choses

mercredi 25 septembre 2013

Lecture : Marie Darrieussecq - Ivy Pochoda



Il faut beaucoup aimer les hommes - P.O.L



Elle est Solange, une actrice française un peu connue qui vit à Los Angeles. Lors d’une soirée chez Georges, (quelques prénoms plantent le décor hollywoodien) elle rencontre un acteur et c’est le coup de foudre.Elle l’a dans la peau, il a une grande idée : faire un film au Congo. Elle n’a qu’une idée : être avec lui. Elle ne sera plus qu’attente.
Il est noir, elle est blanche, ils sont beaux. Et alors ?
Variations sur les clichés qui restent bien difficiles à combattre, le roman est agréable à lire et vraiment  intéressant dans sa troisième partie : le tournage au Cameroun.




Ivy Pochoda

 L’autre côté des docks chez Liana Levi




La vie de l’ancien quartier des docks Red Hook au sud de Brooklyn.
Deux jeunes filles partent sur leur canot pneumatique rose en expédition..c’est le début de l’histoire bien menée. Beaucoup de personnages que le lecteur accompagne chacun leur tour.
Il est question de culpabilité et de réparation.
L’auteur croit en l’harmonie et la tolérance ce qui donne un roman assez optimiste quant à la capacité des hommes à s’ouvrir, à se comprendre. Quelques images réussies restent en tête. Bonne lecture.

dimanche 22 septembre 2013

Les portes : variation 2

Jacques Tati joue beaucoup avec les portes :

 Dans Les vacances de M. Hulot (1953) la porte de la salle à manger va et vient et fait "glong" pendant une séquence de plus d'une minute






 .

Dans Mon oncle (1958), c'est la fée électricité  qui permet l'ouverture à distance de la porte de la villa Arpel après la mise en route de la fontaine- poisson si le visiteur en est digne...

Elle contraste fortement avec la porte de l'appartement de St Maur


                                                     Mais Hulot finit par introduire un peu de chaos dans cette modernité



 La porte du garage ferme aussi automatiquement. Pas de chance si le petit chien passe devant la cellule photo électrique alors que ses maîtres sont à l'intérieur ! Et la pauvre Georgette a peur de l’électricité...


 Dans Play Time (1967) c'est la transparence...


Avec les reflets, on ne sait plus si celui que l'on cherche est devant ou derrière


       et on s'y casse le nez. La porte fermée semble ouverte...



Le gag se prolonge assez longtemps après, lui aussi noyé dans tous ces intérieurs exposés.



lundi 16 septembre 2013

Lecture : Bergsveinn Birgisson



Deux lectures courtes et vivifiantes pour ceux qui n’ont pas beaucoup de temps.



Le dernier Nothomb est plutôt bon comme à chaque fois qu’il est question du  Japon. On a l’impression de prendre un café avec une amie pleine d’humour et de drôlerie.
Elle part tourner  un reportage sur les traces de ses expériences nippones précédentes : le travail dans Stupeur et tremblements, l’enfance dans  la Métaphysique des tubes, l’amour dans Ni d'Eve ni d'Adam.
C’est la nostalgie heureuse. Il n’y a pas de mot japonais pour désigner la nostalgie triste.
Je me demande si la saudade portugaise appartient à l’une ou à l’autre catégorie.


Bergsveinn Birgisson - La lettre à Helga.

 Une histoire d’amour, très physique, qui est resté en suspens, la culture islandaise avec ses sagas, sa poésie et l’élevage des moutons (on apprend beaucoup de choses sur les béliers) et un personnage dru dont la vitalité est nourrie de son contact permanent avec la nature. Il est méfiant envers la ville et le progrès qui affadissent les sens et les valeurs. Il est également pétri de contradictions.
C’est drôle, profond et émouvant.


lundi 9 septembre 2013

Les portes : variation 1


Le destin d'une porte est d'être ouverte ou fermée.



Dans certains cas, il est préférable de la fermer


Les oiseaux - Hitchcock - 1963












ou de ne pas l'ouvrir.



Quand elle est fermée, plusieurs techniques sont possibles :

Shining - Kubrick- 1980

La hache est radicale mais bien moins élégante que la craie magique,


qui permet d'entrer ou de sortir en urgence. Mais il faut connaître un faune.


Le labyrinthe de Pan - Guillermo del Toro - 2006





 On peut aussi passer au travers.....

samedi 7 septembre 2013

Lecture : Valentine Goby - Kinderzimmer

Il faut des historiens pour rendre compte des événements ; des témoins imparfaits, qui déclinent l’expérience singulière ; des romanciers, pour inventer ce qui a disparu à jamais : l’instant présent.

Valentine Goby s’approprie et actualise au travers de l’expérience du personnage de Suzanne-Mila,  la vie du camp de Ravensbruck.
Mila a 20 ans, elle est enceinte. Elle ignore tout. Ce qu’est le déroulement d’une grossesse, les conséquences que cela aura pour sa survie, le fonctionnement du camp.
Au plus près des corps, l’écriture de Valentine Goby, palpitante, nous permet de partager le quotidien de ces femmes.
Aujourd’hui alors que le souvenir a tendance à se transformer en un devoir de mémoire momifié devant le trou noir de l’indicible, elle leur rend la vie : leur énergie et leur solidarité prennent tout leur sens.
Le sujet est difficile mais on en sort grandi.


J'ai eu une Suzanne aussi, déportée le 28 avril 1943 - triangle rouge n° 19 323 - Elle parlait peu du camp et quand elle en parlait, elle parlait de la vie et de la solidarité. Je l'ai retrouvée dans le personnage de Térésa :
- Tu n'y es pas ! Être vivant, elle dit, c'est se lever, se nourrir, se laver, c'est faire les gestes qui  préservent, et puis pleurer l'absence, la coudre à sa propre existence. Me parle pas de boulangerie, de robe, de baisers, de musique ! Vivre c'est ne pas devancer la mort, à Ravensbrück comme ailleurs. Ne pas mourir avant la mort, se tenir debout dans l'intervalle mince entre le jour et la nuit, et personne ne sait quand elle viendra. Le travail d'humain est le même partout, à Paris, à Cracovie, à Tombouctou, depuis la nuit des temps, et jusqu'à Ravensbrück. Il n'y a pas de différence.


Elle m'emmenait  à Paris, au Noël de Ravensbrück, et j'ai vu l'un des enfants qui a survécu, je ne sais pas s'il s'agissait de Guy ou de Jean-Claude mais j'ai gardé son image en tête : un beau jeune homme (j'avais une dizaine d'années- il devait en avoir 17) en costume bleu et toutes les femmes, anciennes déportées, le considéraient un peu comme leur fils.



J'y suis allée en 1998, seule. Longtemps après le décès de Suzanne. Je n'ai rien vu à Ravensbrück. Je n'ai rien ressenti.
Je remercie Valentine Goby pour ce livre qui m'a permis quelque part de rejoindre ma mère ou au moins d'en avoir l'impression.

jeudi 5 septembre 2013

Bulle : Klaus Pinter

Chrysalide et Au Premier Matin - structures gonflables en plastique exposées dans les écuries du château de Chaumont sur Loire. La sphère est couverte de feuilles de magnolias dorées.

Transformation - Renaissance - C'est beau !

lundi 2 septembre 2013

Lecture : En Amazonie Jean-Baptiste Malet

Derrière le petit clic virtuel d’une commande chez Amazon.fr, il y a la réalité des hangars-usines. J.B Malet, jeune journaliste infiltré, nous décrit le travail de nuit dans celui de Montélimar. Ce sont les mêmes conditions aliénantes que dans toutes les usines mais aggravées par une stratégie psychologique particulière. Amazon n’écrit pas à l’entrée de l’entreprise que le travail rend libre mais adopte la devise Work Hard / Have fun / Make History.
Le Work hard  s’appuie sur le volant de chômage, le mirage du CDI, les militaires reconvertis en agent de surveillance, les leaders et les managers qui calculent sans cesse la  productivité de chaque employé. Le silence imposé sur les conditions de travail qui empêchent les syndicalistes de témoigner.
Pour Le Fun les employés sont des associés, tout le monde se tutoie. La fatigue physique favorisant la fragilité mentale, on distribue des quiz portant sur les séries télévisées, les blockbusters pour gagner des bons d’achats et on distribue des friandises pendant les pauses.
Le Make History est plus opaque : l’histoire de la transformation du monde en immense hangar aseptisé, l’histoire de la réussite de son créateur ?
La France mendie et subventionne la création de nouveaux hangars sur son territoire. Pour ces emplois dans leur grande majorité précaires combien seront supprimés ? C’est la loi de la destruction créatrice bien connue du capitalisme.
Amazon vend le livre. Amazon se moque des critiques et elle a bien raison. Lorsqu’on lit les commentaires abondants sur le net, nous voyons à quel point l’idée d’un monde respectueux des humains disparaît derrière les contraintes économiques supposées inéluctables.
Est-ce ainsi que les hommes vivent et pensent ?
Cet essai bien écrit et intéressant nous invite à réfléchir à ce “meilleur des mondes” qui est en train d'advenir et à notre responsabilité de consommateur..en cela il est indispensable.

dimanche 1 septembre 2013

Bulle

Yuki in the sky